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Depuis une semaine, ses proches sont sans nouvelles de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, 80 ans, arrêté le 16 novembre à son arrivée à Alger après un court séjour en France. Ce silence interroge et inquiète. Esprit libre entré simultanément en littérature et en dissidence contre un régime algérien accusé de toutes les turpitudes et contre l’obscurantisme religieux, Boualem Sansal porte depuis un quart de siècle la plume dans la plaie. Il en a déjà payé le prix lorsqu’il a été démis de ses responsabilités de haut fonctionnaire au ministère de l’industrie, il y a plus de vingt ans.
Jusqu’à plus amples informations, son arrestation peut être mise en lien avec des déclarations polémiques récentes faites au média français d’extrême droite Frontières. Il y reprenait à son compte la version marocaine d’un royaume amputé par la France coloniale du XIXe siècle d’une partie de ses territoires au bénéfice de ce qui devait devenir bien des décennies plus tard l’Algérie, au terme d’une effroyable guerre d’indépendance.
Cette provocation conforme à ce qui est devenu chez l’écrivain une ligne de conduite a coïncidé avec la confirmation de l’adoubement par la France, à l’occasion d’une visite de réconciliation d’Emmanuel Macron à Rabat, fin octobre, de la thèse de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Elle est contestée avec virulence par Alger, qui a coupé les liens diplomatiques avec son voisin depuis 2021.
Que le président français se soit dit « préoccupé », le 21 novembre, de l’absence de nouvelles concernant l’homme de lettres qui vit à Boumerdès, à une cinquantaine de kilomètres d’Alger, ne doit pas servir de diversion pour le régime algérien. Boualem Sansal n’a pas à devenir un pion dans la difficile relation qui oppose plus qu’elle ne rapproche la France et l’Algérie. Les contentieux qui perdurent relèvent des Etats, de leurs intérêts, et d’eux seuls. Aucun individu ne saurait en devenir l’otage.
Que les détestations de cet écrivain méconnu dans son pays, où ses livres ne sont d’ailleurs pas édités, lui valent le soutien de personnalités françaises qui règlent ainsi par procuration de vieilles querelles comme de plus récentes avec l’Algérie ou l’islam, et que ces personnalités se retrouvent de plus en plus souvent à la droite de la droite, n’est pas non plus le sujet.
L’arrestation de Boualem Sansal est d’autant plus déroutante qu’elle intervient après l’excellente nouvelle qu’a constituée le 1er novembre la libération du journaliste Ihsane El Kadi, emprisonné depuis la fin de 2022. Dirigeant de l’un des derniers groupes de presse privés d’Algérie, poursuivi alors pour « financement étranger de son entreprise » dans le but de « se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat », ce dernier a bénéficié d’une grâce accordée par le président Abdelmadjid Tebboune dans la foulée de sa réélection, en septembre, dans les conditions qui prévalent en Algérie en matière de scrutin présidentiel.
Cette libération, suivie de celle d’une dizaine de militants connus du mouvement de contestation du Hirak né en 2019, qui avait précipité la démission du président Abdelaziz Bouteflika, laissait espérer que s’installe un relatif climat d’apaisement. Toute forme d’acharnement contre Boualem Sansal le dissiperait, sans qu’on puisse discerner le moindre bénéfice pour la société algérienne.
Le Monde
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